Franchir la ligne d’arrivée à deux

Je m’appelle Tristan Rodgers et je suis guide pour Mac Marcoux, skieur avec une déficience visuelle membre de l’équipe canadienne de ski alpin. Mac a grandi à Sault-Sainte-Marie et, quand il avait 8 ans, on lui a diagnostiqué la maladie de Stargardts. Cette dernière provoque une dégénérescence progressive de la vision. Il a compétitionné dans la catégorie des personnes valides jusqu’à ce que son niveau d’acuité visuelle ne lui permette plus de le faire. Son frère aîné, BJ, est aussitôt devenu le premier guide de Mac.

J’ai grandi sur mes skis à Gray Rocks, une colline que certains appellent la petite sœur de Mont-Tremblant. Je suis tombé dans le ski et la vitesse dès un très jeune âge. Quand j’avais 11 ans, ma famille et moi vivions à Ottawa à temps plein et mon père était directeur d’une école de ski à Wakefield, sur une pente de ski appelée Edelweiss. Même si je jouais au hockey compétitif à temps plein, j’adorais passer du temps avec mes amis du club de ski et suivre mon héroïne d’enfance, Mikaela Tommy, qui s’entraînait avec Duncan, son frère aîné. J’ai percé un peu plus tard que la moyenne en ski de compétition. J’ai participé à ma première course de ski à 14 ans. Bien que je n’aie jamais fait partie d’une équipe d’élite, et avec mon père comme entraîneur, j’ai gravi les échelons jusqu’au printemps dernier. C’est à ce moment que j’ai appris que Jack Leitch, le guide actuel de Mac, allait prendre sa retraite. J’ai tout de suite sauté sur l’occasion de guider Mac. L’instant suivant, je me retrouvais en train de faire des virages et profiter du soleil avec Mac à Mont Hood en Orégon !

Guider un skieur avec une déficience visuelle

On me demande souvent s’il est difficile d’être guide et je réponds alors : «Imaginez-vous en train de skier normalement, mais au lieu de le faire en silence, vous dites tout ce que vous faites et voyez… C’est un peu comme ça?! Ça change un peu la vie !?» Mac peut me voir quand il skie. Il voit également les portes. Par contre, il a besoin d’un guide lorsque la visibilité est mauvaise, surtout dans les épreuves de vitesse où les portes sont parfois séparées par une distance pouvant atteindre 50 mètres. Mac et moi communiquons à l’aide de radios attachées à nos casques.

Communiquer pour mieux performer

Quand on m’a demandé d’essayer de guider Mac, j’étais vraiment excité ! Je n’avais jamais skié avec lui, mais j’ai un grand respect pour lui en tant que personne et athlète. Mon style de ski est complémentaire au sien et mes capacités techniques me permettent d’être très constant sur la neige. Mac a toujours été un héros pour moi, et je n’aurais jamais manqué la chance de travailler avec lui. Ma carrière de ski de compétition tirait à sa fin et je cherchais le moyen de redonner à ma façon à la communauté du ski de compétition qui m’a apporté tant de souvenirs et des relations qui dureront toute ma vie.

Ma plus grande inquiétude de m’embarquer dans cette aventure était de m’engager à l’année. J’étais inquiet de ne pouvoir continuer mes études en génie mécanique à l’Université d’Ottawa. Après y avoir bien pensé et en avoir discuté avec ma famille et mes amis, j’ai décidé de prendre part à l’aventure avec Mac. Même si nous n’avions jamais skié ensemble, il avait tout mon respect et je tenais à sa réussite. Je me suis dit que ma passion pour le ski de compétition pourrait le propulser avec son équipe vers le succès pour atteindre les Jeux paralympiques de 2022. J’ai, jusqu’à présent, vécu des expériences incroyables et j’entrevois le futur avec entrain.

Après seulement quelques jours à Mont Hood, je savais déjà que c’était ce que je voulais faire pour les quatre prochaines années. J’ai adoré guider et j’ai passé des moments incroyables avec mes coéquipiers et le personnel de l’équipe. Quand les entraîneurs ont décidé que j’étais assez compétent pour guider Mac pour la saison de la coupe du monde, nous nous sommes rendus à Valle Nevado, au Chili, à la recherche du meilleur entraînement hors saison offert. L’entraînement à 3000 mètres d’altitude a parfois été difficile, mais les vues à couper le souffle ont largement compensé ! Valle Nevado est le plus bel endroit où je me suis entraîné et ma première expérience de ski là-bas a rendu ce camp d’entraînement encore plus spécial. À la fin du camp, j’avais officiellement été nommé le nouveau guide de Mac et j’attendais avec impatience la saison à venir.

Après notre camp au Chili, nous nous sommes rendus à Saas-Fee, un site d’entraînement emblématique situé dans les Alpes suisses. Pour un passionné de ski de compétition, ce camp d’entraînement était particulier. Nous nous sommes entraînés sur le glacier à côté des meilleurs skieurs au monde qui se préparaient pour la première coupe du monde de la saison à Sölden, en Autriche. Ma partie préférée de ce voyage a été de prendre le téléski avec la légende norvégienne Aksel Lund Svindal. Quand je me suis présenté, il m’a dit qu’il avait entendu parler de Mac et qu’il le trouvait vraiment impressionnant. Je lui ai dit que Mac espérait passer sa troisième année invaincue en descente, et il nous a souhaité bonne chance. Après un bloc d’entraînement difficile, mais fructueux à Saas-Fee, il était temps de retourner à notre base à Panorama, en Colombie-Britannique, pour un entraînement et les premières courses de la saison.

En s’échauffant pour le slalom, Mac a malheureusement chuté sur sa main et s’est fait une entorse au dos. En attendant le retour de Mac sur les planches, je suis de retour à la maison à Tremblant où je m’entraîne depuis environ un mois pour garder la forme en attendant le retour de Mac. Je ne sais pas quand Mac et moi reviendrons à la compétition, mais je suis vraiment excité de faire partie de l’équipe avec lui.